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ger. Mais Béranger est déjà moins sec que Voltaire. Il y a de l’exaltation dans son patriotisme ; il a le tour lyrique, il a aussi la poésie des champs, toute une veine d’idylle inconnue au patriarche de Ferney. Ne serait-ce point que Chateaubriand aurait déteint sur lui ? Quelques gouttes de son ambroisie dorée, liqueur assoupissante, ont coloré le filet de poésie où s’abreuva la jeunesse de Béranger. M. Renan n’y versera-t-il pas à son tour, pour les neveux du chansonnier, quelques gouttes de son élixir excitant, à la forte senteur aromatique. Esprit bien autrement original que ne le fut Chateaubriand, penseur bien plus fécond, pourquoi n’aurait-il pas, et dans une plus grande mesure, la même fortune ? C’est ainsi que procède l’histoire, par mélanges successifs. Elle ne multiplie les contrastes que pour se donner le plaisir des conciliations. Avant que la génération présente soit écoulée, la France comptera plus d’un écrivain qui aura réalisé tant bien que mal l’alliance impossible de l’esprit positif de Béranger et de l’idéalisme de M. Renan.

Ce sera un progrès, et un progrès de plus de portée que la pauvre restauration religieuse, solennelle et puérile, tentée par Chateaubriand. Il n’y a que l’aveuglement de l’esprit de parti qui puisse ne pas voir ce que vaut l’idéalisme de M. Renan dans la patrie du Dieu des bonnes gens. Mais on se demande si cette alliance, même répétée, suffira pour donner