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toujours regardé la femme non comme une épouse ou une maîtresse, ce qui est trop souvent n’en faire qu’une esclave ou un tyran, mais comme une amie que Dieu nous a donnée. » Je ne sais si cette amitié, qui n’a point pour conséquence l’oubli du sexe, vaut l’amour et ses entraînements ; mais Béranger l’a ressentie, et quelques-uns de ses refrains qui, sans être précisément chastes, laissent percer ce sentiment doux et réel, me semblent d’un ton plus vrai que ses chansons réellement libertines. L’inspiration est aussi plus franche dans les strophes où il se console gaiement de sa pauvreté. Je distingue fort ces chansons-là de celles qui ne sont que le fruit d’une imagination licencieuse. Parmi ces dernières on en trouvera de spirituellement égrillardes et d’habilement composées ; mais ce qui leur manque le plus, c’est l’abandon et la verve de libre venue, c’est-à-dire justement ce qui pourrait les faire pardonner. Il y en a même de fort plates, témoin celle qui célèbre une beauté sans façons, dont un des agréments est de jurer, « quand on l’en prie ». Se peut-il rien inventer de plus froid et de plus prosaïque dans la débauche ? « Il me semblait, dit encore Béranger dans une note justificative de sa Biographie, qu’il était facile de démêler dans les productions d’un auteur celles qui appartenaient aux conditions de son genre et aux fantaisies de son esprit de celles où il avait eu l’intention