Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/275

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

complet. Un jour du mois d’août 1857, de grand matin, au moment même où il venait d’achever la dernière page de son manuscrit, M. Sainte-Beuve reprit la plume et traça les lignes suivantes :

J’ai terminé cette Histoire commencée depuis si longtemps, et dont je ne me suis jamais séparé au milieu même des distractions en apparence les plus contraires, cette description fidèle d’une tribu, d’une race sainte.

Qu’ai-je voulu ? qu’ai-je fait ? qu’y ai-je gagné ?

Jeune, inquiet, malade, amoureux et curieux des fleurs les plus cachées, je voulais surtout à l’origine, en pénétrant le mystère de ces âmes pieuses, de ces existences intérieures, y recueillir la poésie intime et profonde qui s’en exhalait. Mais à peine avais-je fait quelques pas que cette poésie s’est évanouie ou a fait place à des aspects plus sévères : la religion seule s’est montrée dans sa rigueur, et le Chistrisnisme dans sa nudité.

Cette religion, il m’a été impossible d’y entrer autrement que pour la comprendre, pour l’exposer. J’ai plaidé pour elle devant les incrédules et les railleurs ; j’ai plaidé la Grâce, j’ai plaidé la Pénitence ; j’en ai dit le côté élevé, austèrement vénérable, ou même tendrement aimable ; j’ai cherché à en mesurer les degrés, — j’ai compté les degrés de l’échelle de Jacob. Là s’est borné mon rôle, là mon fruit.

Directeurs redoutés et savants, illustres solitaires, parfaits confesseurs et prêtres, vertueux laïques qui seriez prêtres ailleurs et qui n’osiez prétendre à l’autel, vous tous, hommes de bien et de vérité, quelque respect que je vous aie voué, quelque attention que j’aie mise à suivre et à marquer vos moindres vestiges, je n’ai pu me ranger à être des vôtres. Si vous