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Tracy, Daunou, Lamarck et la physiologie : là est mon fond véritable. De là je suis passé par l’école doctrinaire et psychologique du Globe, mais en faisant mes réserves et sans y adhérer. De là j’ai passé au romantisme poétique et par le monde de Victor Hugo, et j’ai eu l’air de m’y fondre. J’ai traversé ensuite ou plutôt côtoyé le Saint-Simonisme, et presque aussitôt le monde de Lamennais, encore très catholique. En 1837, à Lausanne, j’ai côtoyé le Calvinisme et le Méthodisme, et j’ai dû m’efforcer à l’intéresser. Dans toutes ces traversées, je n’ai jamais aliéné ma volonté et mon jugement (hormis un moment dans le monde de Hugo et par l’effet d’un charme), je n’ai jamais engagé ma croyance ; mais je comprenais si bien les choses et les gens que je donnais les plus grandes espérances[1] aux sincères qui voulaient me convertir et qui me croyaient déjà à eux. Ma curiosité, mon désir de tout voir, de tout regarder de près, mon extrême plaisir à trouver le vrai relatif de chaque chose et de chaque organisation, m’entraînaient à cette série d’expériences, qui n’ont été pour moi qu’un long Cours de physiologie morale.

M. Sainte-Beuve sait fort bien l’impression que produisirent sur ses anciens auditeurs ces révélations hardies. Elles donnaient raison aux dissidents, et il a passé dès lors pour s’être un peu moqué de ces bons Lausannois chez lesquels il avait trouvé « abri et soleil ». Quelques-uns cependant se sont refusés à les prendre à la lettre, et n’ont voulu y voir qu’un mouvement de fausse honte, le désir de se faire pardonner par les profanes le sérieux de ses

  1. C’est M. Sainte-Beuve qui souligne.