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quelque chose de l’éloquence populaire et de l’héroïsme de Luther. Sa voix tonnante retentissant dans les places publiques, entraînait la foule et la maîtrisait. Sa manière d’échapper au péril était de le braver. Parmi les prédicants, on l’appelait le zélé ; aux yeux d’Erasme, c’était l’audacieux et le téméraire. Il était l’homme nécessaire pour réveiller une population endormie ; mais il n’avait pas les qualités d’un chef. Présent partout à la fois, prodiguant sur tous les points son activité missionnaire, commençant l’œuvre de la réformation dans toutes les villes où il passait sans l’achever nulle part, il était dans la milice protestante un de ces hardis aventuriers qui savent harceler l’ennemi, mais qui n’entendent que la guerre de partisan.

Farel commença à prêcher à Genève en 1532. Il eut bientôt de nombreux disciples, parmi lesquels quelques-uns des bourgeois les plus influents. Ses succès alarmèrent les chanoines. Après une scène violente qui faillit lui devenir fatale, Farel dut quitter Genève. Ce début ne le découragea point : il était trop habitué à commencer ainsi. À peine sorti de Genève, il y envoya un jeune ministre, Antoine Froment, qui se fit passer pour maître d’école et continua les travaux de Farel avec prudence et bonheur. À son tour cependant, après le grand éclat de sa prédication sur la place du Molard, Froment se vit contraint de partir.