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si bien, c’est que sentant s’ouvrir la grande veine de son talent, il travaille avec bonheur, confiance et sérénité. Le poëte est maintenant au service de l’investigateur ; il lui apporte tout ce qu’il a de divination, et il en résulte une critique vivante, complète, d’où toute sécheresse a disparu, et qui demeurera comme une des formes qu’a revêtues la poésie, dans ce siècle d’analyse, lequel, entre toutes les manifestations de la puissance créatrice, a surtout connu la résurrection du passé.

À ce point de vue déjà, le Port-Royal de M. Sainte-Beuve peut être envisagé comme faisant centre dans son œuvre ; il marque le moment où s’est définitivement établie la juste hiérarchie entre les diverses aptitudes de son talent. Son dernier recueil de poésies, les Pensées d’août, date de l’année même où il vint, vers l’automne, s’établir à Lausanne. Il ne fera plus de vers désormais, ou il n’en fera qu’à de rares intervalles, ce qui ne veut pas dire que le poëte soit mort, mais seulement qu’il s’est absorbé dans le critique.

Mais si M. Sainte-Beuve devait passer par Port-Royal, il ne devait point s’y renfermer. Il y trouva, d’une façon toute humaine, l’équilibre du talent, et c’est la seule grâce que lui aient value de si longues relations avec ces austères théologiens de la grâce. Il put dès lors aller de tout cœur aux travaux qu’il entreprenait, sans sentir en lui la sourde inquiétude