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un appui. Tous ceux qui l’avaient successivement entraîné : Saint-Simon, Lamennais et Diderot lui-même, dans l’enthousiasme de son athéisme, n’étaient-ils pas religieux à leur manière ? Il se peut que M. Sainte-Beuve ne se soit pas fait dès l’abord une juste idée des aspects sévères de son sujet ; mais avec moins de religion les solitaires de Port-Royal l’eussent moins attiré. Leur austérité, d’ailleurs, n’est pas sécheresse. En dépit du grand Arnauld, comme on l’appelait autrefois, ils sont moins discuteurs et disputeurs que conseillers intimes et soigneux directeurs des âmes. Et s’il s’y mêle un peu trop de théologie abrupte, cela même ne faisait qu’ajouter à l’attrait ; le critique y trouvait ample matière à s’exercer, et puis le plaisir qu’on éprouve à se retrouver en autrui, n’est-il pas bien autrement assaisonné quand il est plus inattendu, et que la sympathie se fait jour à travers des mœurs différentes, malgré la diversité des temps, de l’éducation, du costume et du langage ?

M. Sainte-Beuve dut jouir vivement lorsque, à Lausanne, il put s’absorber dans Port-Royal. Son livre en porte la trace, et volontiers nous le prendrions au mot, nous autres Vaudois, lorsqu’il parle dans sa préface de toutes les harmonies et concordances qui, sur les rivages de notre beau lac, présidèrent à l’éclosion de l’œuvre ; mais si réellement il jouit de ces concordances extérieures, dont il parle