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et seconder le critique sans l’asservir. Peut-être fallait-il un tel sujet pour rendre cet accord possible. Port-Royal, n’est-ce pas le nid caché, le chez-soi tranquille, à l’étroite enceinte, la solitude pleine de méditations, que M. Sainte-Beuve se serait faite quelque part sur le mont sacré de la poésie, s’il y eût élu domicile pour toujours ? Dans ses Portraits littéraires antérieurs, il y avait des pages excellentes, des aperçus merveilleusement ingénieux, des physionomies en grand nombre finement dessinées ; mais jamais encore on ne l’avait vu s’attacher à ses personnages, — des personnages pour la plupart inconnus, — avec une telle sympathie de curiosité, les deviner dans l’ombre et entretenir avec eux un commerce d’aussi intime familiarité. Il se retrouve dans les solitaires de Port-Royal ; ils ont quelque chose de son imagination méditative et tournée en dedans ; ils ont les prémices de ces souffrances sans nom, de ces inquiétudes vagues et profondes qui, de nos jours, ont tourmenté tant d’âmes et auxquelles M. Sainte-Beuve n’a point échappé ; ils ont l’amour de la retraite, l’amour de l’observation et de la pénétrante analyse des choses intérieures. À vrai dire, leur piété est bien un peu rigide ; mais dans ce temps-là M. Sainte-Beuve était religieux lui-même, il l’était au moins par l’imagination, comme on l’est volontiers dans ces heures douteuses où quelque chose en nous, ne fût-ce que le talent, cherche