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et ne bravât les rayons de certaines figures, devant lesquelles se sont inclinés les siècles, qu’après les avoir adorées. Le premier devoir du philosophe est de s’unir au grand chœur de l’humanité, pour le culte de la bonté et de la beauté morales, manifestées dans tous les caractères nobles et les symboles élevés. Le second c’est l’infatigable recherche de la vérité, et la ferme conviction que, si le sacrifice de nos instincts égoïstes peut être agréable à la divinité, il n’en saurait être de même de nos instincts scientifiques. La crédulité timide qui, de peur de voir s’évanouir l’objet de sa foi, donne un corps à toutes les images est aussi contraire à l’harmonie et à la bonne disposition des facultés humaines que la critique purement négative qui renonce à l’adoration du type idéal, parce qu’elle a reconnu que l’idéal n’est pas toujours conforme à la réalité. Il serait temps de comprendre que la critique, loin d’exclure le respect et d’impliquer, comme le supposent les personnes timorées, un crime de lèse-majesté divine et humaine, renferme au contraire l’acte du culte le plus pur.[1]

Les défenseurs du christianisme se contenteront-ils de cet acte de culte ? Se contenteront-ils de cette adoration qui prépare à genoux toutes les hardiesses du libre examen ? Je ne sais ; mais aussi longtemps que le lecteur de Pascal n’est pas convaincu, il ne faut pas attendre de lui un culte plus positif.


Que reste-t-il donc de Pascal ? D’abord nombre de morceaux magnifiques : on n’oublie pas de sitôt des

  1. Ernest Renan, Études d’histoire religieuse, 3me édit, p. 133.