Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/238

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il faut ajouter mes plaies aux siennes, et me joindre à lui, et il me sauvera en se sauvant.[1]

Le sentiment chrétien a-t-il jamais trouvé un accent plus intime, des mots plus profonds, des cris de l’âme plus saisissants ?

Et pourtant l’admiration qu’excitent de si émouvantes paroles n’entraîne pas nécessairement avec elle la conviction, je veux dire la conviction telle que la voulait Pascal, telle que la veulent aussi, sans doute, ses disciples actuels. Malgré sa méfiance, l’homme du dix-neuvième siècle admire volontiers. Il admire sans se livrer. Il est éclectique autant qu’il est sceptique. Libre de préjugés, libre de convictions, il rend une certaine justice à tous les systèmes. Il reconnaît ce qu’ils ont de beau, de noble, de grand. Il ne prononce certains noms qu’avec respect, en se découvrant, comme Newton au nom de Dieu, n pourrait même s’agenouiller devant quelques-uns des bienfaiteurs de l’humanité et adorer. Mais quelle adoration ! L’homme du dix-neuvième siècle s’incline devant Jésus-Christ comme devant un modèle idéal de grandeur et de beauté morales. Il l’admire plus que Socrate, mais au même titre que lui. Ecoutez plutôt :

On raconte, dit M. Ernest Renan, qu’Angelico de Fiesole ne peignait qu’à genoux les têtes de la Vierge et du Christ : il serait bien que la critique fit de même,

  1. Pensées de Pascal, édit. Astié, II, p. 226 et sq.