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mais dans un de supplice, où il s’est sauvé et tout le genre humain.

Il souffre cette peine et cet abandon dans l’horreur de la nuit.

Je crois que Jésus-Christ ne s’est jamais plaint que cette seule fois ; mais alors il se plaint comme s’il n’eût pu contenir sa douleur excessive : Mon Ame est triste jusqu’à la mort !

Jésus cherche de la compagnie et du soulagement de la part des hommes. Cela est unique dans toute sa vie, ce me semble. Mais il n’en reçoit point, car ses disciples dorment.

Jésus sera en agonie jusqu’à la fin du monde ; il ne faut pas dormir pendant ce temps-là.[1]

Et plus loin, voyez encore ce mystérieux dialogue entre Jésus sur la croix et l’âme pécheresse pour laquelle il souffre :

Console-toi : tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais trouvé. Tu ne me chercherais pas si tu ne me possédais. Ne t’inquiète donc pas.

Je pensais à toi dans mon agonie ; j’ai versé telles gouttes de sang pour toi…

Veux-tu qu’il me coûte toujours du sang de mon humanité sans que tu me donnes des larmes ?…

Si tu connaissais tés péchés, tu perdrais cœur…

— Seigneur, je vous donne tout.

— Je t’aime plus ardemment que tu n’as aimé tes souillures…

— Je vois mon abîme d’orgueil, de curiosité, de concupiscence. Il n’y a nul rapport de moi à Dieu, ni à Jésus-Christ juste…

  1. Pensées de Pascal, édit. Astié II, p. 264.