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éclairer ? à partir de quel point ne peut-elle que nous abuser ? Pascal ne le dit pas. Il ne croit ni à la toute puissance de la raison, ni à son absolue incapacité ; mais entre ces deux extrêmes l’espace est grand, et l’on ne sait où il s’arrête. Peut-être Pascal ne le savait-il pas lui-même.

Que faire dans cette incertitude ? Faut-il s’emparer de telle ou telle expression d’une hardiesse imprudente, d’une hardiesse qui eût été condamnable partout ailleurs que dans des notes intimes ? Faut-il compter une à une tant de fières boutades ? Faut-il détacher violemment de l’ensemble tout ce qu’il y a de plus violent dans Pascal ? Faut-il en profiter pour faire de Pascal un des plus fougueux contempteurs de la raison, un des plus dangereux apôtres du scepticisme ; un nouveau Montaigne que le désespoir a converti, un homme qui a peur, et qui, comme l’en accuse Voltaire, croit ce qu’il ne croit pas ? Non ; ces boutades ont sans doute leur signification ; elles ne sont pas tombées par hasard de sa plume ; elles révèlent un côté du génie de Pascal ; mais elles ne renferment pas tout Pascal. Elles nous semblent d’ailleurs jeter moins de lumière sur son livre que sur son caractère, elles intéressent le biographe de Pascal, plus que le critique qui ne songe, comme nous, qu’à examiner la valeur de son apologie.

Ici, comme ailleurs, je voudrais qu’on s’en tînt aux traits généraux de l’apologie de Pascal, et qu’on