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des lois fixes ; mais d’où nous vient cette idée ? d’une généralisation nécessaire, sans doute, mais fort téméraire. Nous avons vu, dans le modeste cercle de nos expériences et de nos observations, un certain nombre de faits se produire avec une régularité remarquable, et nous en avons conclu qu’il y a régularité en tout et partout. D’un quelquefois nous avons fait un toujours. L’homme, observateur éphémère, a déclaré la nature soumise à des lois éternelles. Ainsi toutes nos inductions reposent sur une induction première, plus hardie que toutes les autres. Ainsi le plus puissant des instruments qu’emploie la science humaine suffit à prouver son impuissance. La science est incapable de se démontrer elle-même. Elle repose sur une audacieuse hypothèse. Y croire, c’est faire acte de foi.

Ses conquêtes nous ont-elles d’ailleurs rapproché de ces extrêmes, sans la connaissance desquels le livre de la science n’a ni commencement, ni fin ? Le microscope a-t-il fait voir à son foyer ces atomes dont la physique parle si fort à son aise ? Le télescope a-t-il plongé au-delà de l’immensité ? « Que savait-on de l’infini avant 1600 ? » demande M. Michelet. — « Rien du tout, répond-il. Rien de l’infiniment grand, rien de l’infiniment petit. La page célèbre de Pascal, tant citée sur ce sujet, est l’étonnement naïf de l’humanité si vieille et si jeune, qui commence à s’apercevoir de sa prodigieuse igno-