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qui se parent de son nom cette distinction capitale, que ceux-ci ont un système d’apologie, système en vertu duquel ils condamnent tous les autres comme faux, ou comme inférieurs, comme vulgaires, dit M. Astié, tandis que Pascal n’en eut jamais. Ils prétendent à fonder une école ; Pascal n’y songeait pas. Ils ont deux causes à plaider, celle du christianisme et celle de leur propre apologie, qui l’interprète en le défendant ; Pascal ne plaide qu’une seule cause, celle du christianisme. Si, en plusieurs points, Pascal se rencontre avec eux, cela tient au hasard de son génie. Soe apologie est toute personnelle.

Pascal s’est chargé lui-même de marquer la différence qui existe entre eux et lui :

Tous ceux qui disent les mêmes choses ne les possèdent pas de la même sorte, remarque-t-il en parlant de Descartes… Il faut sonder comment une pensée est logée en son auteur, comment, par où, jusqu’où il la possède.

Je voudrais démander à des personnes équitables si ce principe : La matière est dans une incapacité naturelle, invincible de penser, et celui-ci : Je pense, donc je suis, sont en effet les mêmes dans l’esprit de Descartes et dans l’esprit de saint Augustin, qui a dit la même chose douze cents ans auparavant ?

En vérité, je suis bien éloigné de dire que Descartes n’en soit pas le véritable auteur, quand même il ne l’aurait appris que dans la lecture de ce grand saint ; car je sais combien il y a de différence entre écrire un mot à l’aventure, sans y faire une réflexion plus longue et plus étendue, et apercevoir dans ce mot une