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Pascal n’était pas de cette force-là. Le pauvre homme ! Il n’est pas sûr que, s’il eût rédigé son grand ouvrage, il n’eût pas dû recommencer dix fois. Un simple défaut de style l’eût amené peut-être sur la trace de quelque vice du plan, dépendant à son tour d’un vice caché dans l’idée elle-même. Le fond changé, si peu que ce fût, tout le reste changeait quelque peu avec lui. Pour Pascal, la conception du plan était indissolublement unie à la conception même de la pensée. Leurs progrès étaient mutuels. Aussi, pour croire à l’achèvement de l’un, voudraisje avoir vu l’achèvement de l’autre.

M. Astié reconnaît des traces d’hésitation dans les notes de Pascal. Il en conclut que cette hésitation même nous défend d’imposer à l’auteur des Pensées un plan de tout point contraire à l’esprit de son ouvrage, en même temps qu’elle recommande celui qui en tient le plus grand compte.[1] Mais ne peut-on pas en conclure avec plus de raison encore que les chercheurs du plan de Pascal cherchent, non ce qu’il avait trouvé, mais ce qu’il cherchait lui-même ; c’està-dire qu’ils se substituent à Pascal. Tant qu’ils le font pour leur édification ou leur plaisir particulier, c’est très bien ; mais quand ils le font pour le public, et quand ils affirment avoir ressaisi le plan que Pas-

  1. Préface, p. 35.