s’écria-t-on de toutes parts, c’est une destruction. Le savant historien de Port-Royal se fit l’écho de ces plaintes :
En voulant, dit-il, restituer le livre de Pascal et le rendre à son état primitif, on l’a véritablement ruiné en un certain sens. Ces colonnes ou ces pyramides du désert, comme les appelait Châteaubriand, ne sont plus debout aujourd’hui ; on les a religieusement démolies, et l’on s’est attaché à en remettre les pierres comme elles étaient, gisantes à terre, à moitié ensevelies dans la carrière, à moitié taillées dans le bloc. C’est là le résultat le plus net de ce grand travail critique sur les Pensées.
Le livre évidemment, dans son état de décomposition, et percé à jour comme il est, ne saurait plus avoir aucun effet d’édification sur le public. Comme œuvre apologétique, on peut dire qu’il a fait son temps. Il n’est plus qu’une preuve extraordinaire de l’âme et du génie de l’homme, un témoignage individuel de sa foi. Pascal y gagne, mais son but y perd. Est-ce comme cela qu’il l’aurait entendu ?[1]
C’est-à-dire, si M. Sainte-Beuve a raison, qu’en nous rendant les pensées de Pascal on nous a dépouillés de sa pensée.
Or M. Sainte Beuve a bien quelque peu raison. Il est sûr au moins que la lecture des Pensées dans l’édition de M. Faugère n’est pas du premier coup, ni pour le premier venu, une lecture édifiante. Ce sont des notes éparses, des traits détachés, des
- ↑ Sainte-Beuve. Port Royal, III, p. 333.