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c’est qu’un homme convaincu, lisez les lettres de Calvin. Il croit et il faut qu’il parle, et il parlera toute sa vie. Epuisé par la souffrance, accablé de soucis et de douleurs, il se traînera jusqu’à sa chaire, et il parlera d’une voix affaiblie peut-être, mais plus ferme que jamais ; il mourra comme doit mourir un apôtre, en parlant. Pour lui le silence serait un crime. — Mais nous essaierons plus tard d’étudier le caractère de Calvin ; disons seulement que pour bien connaître cet homme de fer, il faut lire sa correspondance. Mieux que toute autre chose elle nous explique ses succès et ses fautes. Je dis qu’elle les explique ; mais je n’ajouterai pas, comme le fait entendre M. Jules Bonnet, qu’elle nous dispose à l’indulgence. Plus on verra de près le réformateur de Genève, plus on admirera, et plus aussi on s’étonnera.

Les lettres d’un homme de génie sont toujours précieuses ; mais celles des hommes du seizième siècle ont pour l’historien une valeur toute particulière. De nos jours, un commerce épistolaire a quelque chose de plus intime. Les moyens de publicité sont devenus si nombreux, les journaux colportent si régulièrement toutes les nouvelles, qu’on ne les demande plus aux amis éloignés. C’est aux dépens de la correspondance particulière que les journaux ont pris tant de place dans notre vie intellectuelle. Au seizième siècle il n’en était pas ainsi. Lorsque Calvin écrivait à Farel, à Viret ou à Mélanchton,