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haute direction de Calvin, c’est une chose odieuse. Grâce à la condamnation de Servet, les disciples de Rome ont acquis le droit de se réjouir de l’intolérance de leurs adversaires, et les protestants ont perdu celui de flétrir l’intolérance romaine. Il y a plus ; le nom de Servet reste associé comme une honte éternelle à celui des plus nobles martyrs du seizième siècle. On frissonne en songeant qu’ils ne sont montés sur les bûchers que parce qu’ils étaient les plus faibles, et qu’ils les auraient allumés s’ils avaient été les plus forts.

En présence de faits semblables, c’est faire preuve de courage que de ne pas mépriser l’humanité. Si jamais spectacle a fait voir à nu cette misère de l’homme dont parle Calvin, c’est bien celui qu’il nous donne lui-même. Qui dira ce qu’il nous faut de labeurs, d’efforts inutiles, de rudes leçons de l’expérience, pour nous débarrasser des plus cruels préjugés ? Nous nous vantons de nos progi’ès, et nous ne faisons un pas en avant que pour faire aussitôt un pas en arrière. Nous n’entrevoyons un principe fécond que pour nous hâter d’en nier les applications les plus heureuses. Nous ne nous affranchissons d’un joug que pour mieux nous courber sous un autre. Nous ne marchons que d’inconséquence en inconséquence, et de rechute en rechute. Consultez le passé. La Révolution française ne traîne-t-elle pas à sa suite la plus sanglante des ty-