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laquelle elle a droit ici comme en d’autres sujets, ce ne serait pas le moindre service que ses enseignements et sa morale auraient rendu au monde économique — notons, dis-je, une réprobation expresse du « sabotage », mot par lequel on désigne les lenteurs calculées et les malfaçons volontaires dans l’exécution du travail[1].

La condamnation du modernisme a atteint, elle aussi, par contre coup, tous les essais qui étaient tentés pour rapprocher socialistes et catholiques. Comment cela ? C’est que les hommes qui avaient manifesté des sympathies pour le socialisme chrétien ne s’étaient guère abstenus d’en laisser voir également pour les théories modernistes, lorsqu’il leur était arrivé de pénétrer dans le domaine des questions religieuses. On sentait que, sur ce terrain comme sur l’autre, ils apportaient le même esprit de complaisance et de transaction, en cherchant cette fois ci à concilier les formes traditionnelles du dogme et de l’exégèse avec les objections qui les troublaient eux-mêmes ou bien leurs amis à côté d’eux. Aussi bien les deux mouvements pouvaient-ils procéder d’un même désir de ramener à l’Église, ici les masses que le socialisme en avait détournées, là les intellectuels qui croyaient, avoir trouvé autre chose et mieux que les définitions trop simplistes de la vieille foi. Aux uns comme aux autres, par conséquent, il y avait à montrer que l’abîme n’est point infranchissable, ni la distance aussi grande qu’on l’avait cru. Pour cela, semblait-il, il n’y avait qu’à abaisser quelque peu les vieux dogmes devant l’orgueil de la critique, comme ailleurs il n’y aurait eu qu’à abaisser quelque peu la vieille morale et les vieux principes sociaux devant l’envie, la paresse et les convoitises du socialisme. Ainsi les traditionalistes se donnaient la main les uns aux autres dans les divers domaines de la

  1. « Les obligations de justice… consistent à fournir entièrement et fidèlement le travail qui a été convenu librement et selon l’équité, à ne pas endommager les choses, ni offenser les personnes des patrons… » (Motu proprio, § 7).