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aux socialistes démocrates et aux socialistes catholiques, que d’étudier la divergence qui existe entre eux au sujet de la foi religieuse[1] ». Nous voudrions pouvoir démontrer qu’on ait eu tort de parler ainsi ; mais nous sommes tout simplement réduit à regretter que l’occasion de le faire ait été donnée si légèrement[2]. Maintes fois les écrivains socialistes se sont félicités qu’on amenât des recrues au marxisme, bien loin d’en emmener du marxisme au christianisme : nous pensons qu’ils ont eu parfaitement raison[3].

On dit bien, il est vrai, que si ces théories sont récentes, ce n’est que parce qu’elles ont été provoquées par les abus tout aussi-récents de l’industrialisme et du régime capitalistique. Mais il y a là, croyons-nous, une erreur de dates. Il est parfaitement vrai que ce « catholicisme social » est jeune : pourtant il y a un siècle ces abus, qui semblent l’avoir fait éclore d’hier seulement, étaient bien autrement intenses en Angleterre ; ils l’étaient bien davantage aussi sur le continent il y a deux ou trois générations, au temps où régnait ce que M. Paul Leroy-Beaulieu a qualifié d’un mot heureux « l’état chaotique » de la grande industrie. Il faudrait donc s’excuser d’un retard, bien plutôt que s’applaudir d’une coïncidence saisie avec un empressement tout opportun[4].

  1. Nitti, Socialisme catholique, tr. fr., p. 279.
  2. Voyez aussi Schatz, l’Individualisme économique et social, p. 373.
  3. Nous pourrions multiplier ici les citations. Nous nous bornons à la suivante : « Le socialisme chrétien, a-t-il été dit, peut servir au progrès en certains pays, en ôtant aux ouvriers chrétiens leur respect pour les patrons et en les soulevant contre les capitalistes, qui sont aujourd’hui le grand appui du parti des prêtres ; il peut préparer aussi l’établissement du socialisme laïque ou du collectivisme dans les pays où l’attachement à la religion empêcherait d’accepter d’emblée le socialisme collectiviste ou laïque » (Catéchisme de l’ouvrier, 3e éd., Carvin, 1899, p. 34 , cité par M. l ’abbé Millot, Que faut-il faire pour le peuple ? Paris, 1901, p. 351 en note).
  4. Parfois aussi, dans cette école, l’attention a été comme distraite du dogme pour être concentrée d’une manière exclusive sur la morale et sur cette face de la morale que l’on appelle la morale « sociale ». Voilà pourquoi le néo-christianisme, qui efface tout le côté dogmatique de l’Évangile et qui ne voit dans le Christ que le prédicateur d’une morale plus parfaite, a de si faciles sympathies pour la démocratie chrétienne. Dans l’Évangile il ne regarde que les règles de conduite, en perdant de vue celles de