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peu prévenu : « Lorsque la doctrine canonique, dit-il, est accusée d’entêtement, cela signifie seulement qu’elle n’était pas arrivée encore à ce principe défini et clair qui sert à distinguer entre l’usage légitime et l’usage illégitime du pouvoir de l’argent, principes que cherchent encore les juristes et les économistes modernes[1] ».

Le célèbre économiste allemand Schmoller, que ses sentiments nous garantissent plutôt hostile à l’égard de l’Église, n’a même pas craint de montrer dans la lutte entreprise contre l’usure « un des actes les plus glorieux à l’actif de l’Église du moyen âge… avec moins de partialité dans la pratique que ne le supposent souvent ses adversaires libéraux d’aujourd’hui[2] ».

Nous avons épuisé ici, d’une manière incidente, cette question du prêt à intérêt, pour ne pas avoir à y revenir.


V

LA MONNAIE

Sur la monnaie, il ne semble pas que les grands scolastiques du XIIIe siècle aient eu des idées bien avancées. Aristote, à ce qu’il semble, leur suffisait, et Aristote, à cet égard, manquait peut-être bien un peu d’exactitude ou d’unité. Ils distinguaient sans doute le troc et l’échange, ainsi que l’utilité de la monnaie[3] ; mais ce n’était guère neuf, et le jurisconsulte Paul s’était exprimé depuis fort longtemps sur ce sujet en des termes que nous connaissons déjà et qui ne peuvent être oubliés[4].

Avec cela ils avaient aussi l’intuition que la monnaie

  1. Ashley, op. cit., sect. LXXI, tr. fr., t. II, p. 518.
  2. G. Schmoller, Principes d’économie politique, tr. fr., t. III, 1906, pp. 469 et 473. — Voyez aussi Dubois, Précis de l’histoire des doctrines économiques, t. I, p.96.
  3. Buridan, Ethicorum Libri V, quaestio XVIII.
  4. Digeste, 1. XVIII, t. I, De rerum permutationibus, 1. I, pr. — Voyez supra, p. 26.