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au catholicisme social ; où, dans une société faite par elle et pour elle, l’Église trouvera son existence complète, dont elle n’a encore joui nulle part ; et où brillera d’un éclat incomparable la gloire de Jésus-Christ instituteur du genre humain[1]. » Tout cela, quand récemment nous l’avons lu dans la biographie du Père Hecker, dans les discours de Mgr Ireland et dans les organes de la démocratie chrétienne, nous l’avons cru nouveau : nous n’avons eu que le tort d’ignorer que Huet l’avait dit quarante ans avant eux.

Pourquoi donc fut-il oublié ainsi ?

C’est que son livre avait paru trop tard et trop tôt. Écrit en 1850 et 1851, il ne vit le jour qu’à la fin de 1852. Or, déjà à ce moment, les catholiques s’étaient ressaisis à la voix de Pie IX ; surtout ils s’étaient instruits par les événements de France, d’Allemagne, d’Italie et d’Autriche, et en 1852 la démocratie socialiste était mal fondée à leur demander leur adhésion. La voix de Huet se perdit donc dans le désert : les derniers échos eh étaient endormis quand le socialisme chrétien retrouva son heure de vogue et de popularité.

Ce ne fut que bien plus tard, en effet, que des idées analogues furent émises de nouveau. On commence à les rencontrer en Allemagne vers 1860, en France seulement après 1870, chez des hommes dont les convictions sincèrement chrétiennes ne sauraient être mises en doute, et que le désir de soulager les souffrances et de faire disparaître les abus nés de la liberté, de la concurrence et des inégalités sociales poussait à imaginer tout un système économique opposé au libéralisme classique.

Mais, s’ils s’entendaient généralement avec Huet sur le sens de la Rédemption et sur la forme démocratique de l’État, ce n’est point à ses réformes économiques qu’ils voulaient nous ramener. Dans l’intervalle, en effet, les procédés de l’Organisation du travail de Louis Blanc —

  1. Op. cit., p. 104.