âge tout le mépris ou toute l’hostilité qu’on se serait cru fondé à attendre de lui. Son œuvre veut être une vaste synthèse du monde, tel qu’un christianisme nouveau et mieux compris doit arriver à le façonner[1]. Pour cela, il divise son livre en quatre parties, consacrées : 1° à la société générale ; 2° à la société spirituelle, c’est-à-dire à l’Église ; 3° à la société matérielle, c’est-à-dire à l’économie politique ; enfin, 4° à la société politique, et là c’est encore au nom de l’Évangile qu’il professe la supériorité nécessaire du régime démocratique républicain.
Nous savons déjà que Huet voulait voir disparaître la propriété héréditaire et perpétuelle : mais, cette opinion une fois écartée, il est impossible de ne pas être frappé de la ressemblance continue qui rapproche le Règne social du Christianisme et toutes les idées maîtresses que les démocrates chrétiens et les américanistes ont professées parmi nous depuis quinze ans. Lui aussi trouve, qu’à force de parler de l’âme on a trop oublié qu’un corps lui est uni, lui aussi relève que le Sauveur guérissait les malades, et que par conséquent le plan divin doit comprendre un sacerdoce qui aide l’humanité à conquérir les biens matériels[2] ; et lui aussi enfin, comme les américanistes, croit à un « esprit nouveau qui, après avoir passé de la religion dans l’ordre social, va se reporter de l’ordre social dans la religion », jusqu’au jour « où le clergé se convertira enfin
- ↑ « J’ai médité à la lumière des temps nouveaux, dit-il, sur la mission du Sauveur du monde ; j’ai puisé aux sources sacrées l’enseignement social du christianisme : et en écartant ce qui vient des hommes pour m’en tenir à ce qui vient de Dieu, je trouvai manifestement que la rédemption chrétienne consiste, non seulement à enfanter par l’Église des citoyens au ciel, mais encore à ériger ici-bas une libre et fraternelle société civile, celle même dont la Révolution, purifiée de ses excès, doit assurer la victoire. J’ai, avec une impartiale ardeur, interrogé aussi les doctrines diverses qui, sous le nom de socialisme, ont si profondément remué notre âge… et, en écartant ce qui vient des passions ou de l’ignorance pour m’en tenir à ce qui ressort du mouvement général des esprits et qu’adopte l’instinct du peuple, il me fut non moins manifeste que ces idées d’affranchissement qu’on prêche comme une révélation nouvelle, ou reproduisent fidèlement l’Évangile ou sont les conséquences nécessaires de ses dogmes » (Op. cit., pp. 3-4).
- ↑ Op. cit., pp. 230-232.