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posait le « rachat des terres, payables comptant par l’État et livrables dans quatre-vingt-dix-neuf ans », ce qui permettrait actuellement à l’État de les racheter à un prix infime[1]. D’après Walras, ce système, entre autres défauts, encourt le reproche d’immoralité, « en spéculant sur l’imprévoyance des pères pour dépouiller les enfants[2] ».

Toute question de droit et de justice mise de côté, le système de Gossen et de Walras repose sur une erreur économique. Cette erreur, c’est la croyance à la hausse régulière et automatique de la rente foncière. À cela nous avons répondu ailleurs, en discutant la théorie de la rente et les cruels démentis que l’expérience s’est chargée d’infliger à Ricardo, surtout depuis bientôt trente ans en France et en Angleterre[3]. De plus, sans parler de ce fait incontestable, que les propriétaires fonciers ne gardent un revenu quelconque qu’au prix d’une incorporation ininterrompue de travail et de capitaux, il faut bien savoir : 1° que les accroissements de revenu exprimés en monnaie ont besoin d’être corrigés par l’observation des variations du pouvoir général de la monnaie ; 2° que les accroissements de valeur vénale ont besoin d’être corrigés par l’observation des variations des taux de capitalisation. Ricardo, avec son hypothèse de démonstration qui, « dans le but d’être plus clair », lui faisait « considérer l’argent ou la monnaie comme invariable dans sa valeur », peut bien avoir contribué à ces graves erreurs économiques des deux Mill, de Gossen et de Walras[4].

Mais à ces premières erreurs Walras en ajoute personnellement une autre : c’est de croire que l’État puisse mieux assurer le progrès économique et par conséquent l’accroissement de la rente, une fois les terres rachetées,

  1. Gide, Journal des Économistes, mai 1883, et Principes d’économie politique, 4e édition, p. 495 en note.
  2. Walras, Études d’économie sociale, p. 451.
  3. Voyez nos Éléments d’économie politique, 2e éd., pp. 499-501.
  4. Voyez plus haut, p. 311, note 2.