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ce que nous appelons bien, sort de la terre par ce travail de transformation. L’homme ne peut donc travailler que là où la terre lui appartient. Or, pour que tout homme ait une part de cette terre, il faut que, au lieu d’appartenir privâtivement à quelques-uns, elle appartienne collectivement à tous. Toutefois cette nécessité de la propriété sociale de la terre n’empêche pas une jouissance privative ; ainsi les fonds peuvent être loués, mais en ce cas la rente payée par le fermier va à la société et retourne par elle à l’usage commun.

De Colins tirait de ces prémisses une remarquable conséquence au point de vue du salaire. Si la terre était commune, disait-il, personne n’offrirait et ne louerait son travail, sinon à des conditions plus avantageuses que celles qu’il se ferait à lui-même en cultivant la terre : donc le salaire s’établirait normalement à son niveau maximum. Au contraire, l’institution de la propriété privée le fait descendre à son niveau minimum, parce que l’ouvrier qui offre du travail n’a pas le choix de travailler sur une parcelle de terre lui appartenant.

À titre de programme pratique, de Colins demande que chaque individu reçoive d’abord comme mise de fonds une partie des économies collectives faites ayant lui : cet individu aura ensuite le choix, ou bien de gagner un salaire en se plaçant chez les fermiers des domaines nationaux, ou bien de travailler pour son propre compte, soit seul, soit associé avec d’autres travailleurs sur les domaines ou avec les capitaux que l’État aura mis à la disposition du public. Les associations seront défendues entre capitalistes.

C’est Colins qui a inauguré le mot « collectivisme », et cela dès 1850.

Le principal disciple de Colins fut François Huet (1814-1869), Français, professeur de philosophie à l’Université de Gand de 1836 à 1850, et retiré ensuite à Paris. On a de lui le Règne social du christianisme (1853), dans lequel il s’efforce de démontrer que le christianisme et le