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C’est dans cet esprit qu’il esquisse son plan de « l’État populaire du travail », en passant en revue les idées fondamentales de tous les pontifes du socialisme et en groupant toutes leurs solutions autour de certains types bien arrêtés, puis en discernant ce qui lui paraît à laisser ou à prendre et en traçant à la fin tout un programme de transition pour l’avènement du régime nouveau[1]. On ne fera pas de la persuasion par l’exemple, comme avec les phalanstères ; et l’on n’attendra pas davantage la solution catastrophique de Karl Marx[2] ; mais on transformera la société par la « juxtaposition du régime socialiste et du régime du droit privé », pendant que ce droit privé lui-même marchera vers le socialisme au moyen du rachat de la grande propriété, de la constitution des communes socialistes et de l’extension progressive du domaine commun[3]. « Une fois le premier pas fait par le rachat de la grande propriété, dit Menger, le conflit sera bien plus vite tranché qu’il ne le fut entre le paganisme et le christianisme[4]. » Comme régime final, on aura la mise en commun de tous les biens productifs et la possession privative des biens consomptibles au sein de communes grandes ou petites comme maintenant, où chacun aura son domicile forcé de travail et d’assistance et où tout le monde sera réparti administrativement, suivant ses aptitudes héréditaires ou acquises, entre les divers groupés de travailleurs.

La famille, cependant, ne sera pas complètement abolie. À la vérité, « un régime tel que l’amour libre ou le mariage collectif ne peut en aucune façon être considéré comme immoral[5] » : cependant il vaudra mieux conserver le

  1. Menger, État socialiste, tr. fr., 1904.
  2. Menger ne s’arrête pas cependant par la crainte d’une « violation du droit » ; ce qui le détourne de croire à « l’établissement de l’État populaire du travail par la voie de la révolution », c’est son « inopportunité et même son impossibilité » (op. cit., p. 339).
  3. Op. cit., I. IV, ch. iv et v.
  4. Op. cit., p. 356.
  5. Op. cit., p. 185.