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l’escompte au même titre et de la même façon que l’intérêt.

Mais il serait imprudent de juger de ces règles sans se reporter au temps où elles étaient données.

En fait, avec un marché très étroit, sans outillage puissant et sans industrie active, alors que les grandes entreprises se réduisaient à la construction des églises et des forteresses féodales, les emplois productifs de l’argent faisaient défaut. Il n’y avait guère place, au moins au XIIe siècle et presque encore au XIIIe, que pour les prêts à la consommation. C’était un baron, par exemple, qui empruntait pour aller à la croisade, ou bien un monastère pour faire bâtir une église. En dehors de ces cas là ou bien en dehors des cités italiennes et allemandes qui naissaient au commerce, il n’y avait d’occasions que pour le prêt à la petite semaine, si facilement usuraire et si fermement condamné par l’Église. La fixité de la propriété féodale et l’immobilité générale des conditions réduisaient même ce que nous appelons aujourd’hui les emplois en immeubles. Les commandites, mentionnées et recommandées dès 1206 par le pape Innocent III dans sa lettre à l’archevêque de Gênes, ne pouvaient être que des exceptions, surtout en dehors des cités commerciales de l’Italie. Il faut descendre au XIVe et surtout au XVe siècle pour que la prohibition constitue vraiment une gêne pour les entreprises de production. En attendant, les conciles de Latran, en 1179, sous le pape Alexandre III, de Lyon, en 1274, sous le pape Grégoire X, et de Vienne, en 1311, sous Clément V, obtenaient sur ce point la conformité des lois religieuses et des lois civiles, au moment où l’étude du droit romain, renouvelée par Irnerius et les glossateurs, aurait tenté d’introduire le

    exspectet emptorem, manifeste usura committitur… Similiter etiam, si quis emptor velit rem emere vilius quam sit justum pretium, eo quod pecuniam ante solvit quam possit et res tradi, est peccatum usuræ. » Il serait loisible seulement au vendeur, mais spontanément, d’abaisser le prix pour se faire payer avant de livrer, « de justo pretio diminuere ut pecuniam prius habeat ».