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cité », nouvelle force économique qui consiste en ce que « les échangistes se garantissent l’un à l’autre et irrévocablement leurs produits au prix de revient[1] ».

La Justice dans la Révolution et l’Église, parue en 1858, n’est qu’une longue diatribe qui tient du pamphlet, du blasphème et du manifeste anarchique. Je passe sur les autres productions de ce cerveau inquiet et malade. Mais au cours de l’âge les idées de Proudhon sur la propriété s’étaient modifiées singulièrement. Nous avons vu déjà son Mémoire sur la propriété. Dans l’Idée générale de la Révolution au XIXe siècle, il pose en principe que « tout paiement de loyer ou fermage acquiert au locataire fermier, métayer, une part proportionnelle dans la propriété » ; et il conclut que la propriété sera constituée définitive et légitime quand les fermiers et locataires l’auront fait passer entre leurs mains. C’est aussi révolutionnaire, mais c’est déjà moins communiste. Enfin, dans la Justice dans la Révolution et l’Église, Proudhon exprimait l’espoir que « la Révolution, appliquant à la propriété sa formule égalitaire, la pénétrant de justice, la soumettant à sa balance, saurait faire un jour de cette institution de péché, de ce principe de vol, cause de tant de haines et de massacres, le gage solide de la fraternité et de l’ordre ». Est-ce tout ? Pas même encore. Le Conseil d’État du canton de Vaud ayant ouvert, en 1860, un concours sur la « théorie de l’impôt », Proudhon, dans le mémoire qu’il présenta sur ce sujet et qui fut couronné, prit nettement parti pour l’impôt proportionnel contre l’impôt progressif : dans le revenu de la terre, il distinguait très clairement le loyer des capitaux et la rente ; et il proposait de répartir cette dernière un tiers à l’État à titre d’impôt foncier, un tiers à l’exploitant ou cultivateur, un tiers au propriétaire ou capitaliste. On voit par là quelle était l’incohérence de ce cerveau.

  1. Voyez Desjardins, Proudhon, t. I, p. 176.