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consommer, tout en étant désintéressé de produire davantage[1].

Bref, selon le mot de Lamartine, « l’État propriétaire et industriel serait substitué en tout aux citoyens dépossédés. »

Pour les terres, la dépossession aurait été particulièrement activée par la suppression des successions collatérales, dont le montant aurait été attribué aux communes.

L’Organisation du travail, vieille aujourd’hui de plus de soixante ans, continue à être un des très rares plans quelque peu précis d’une reconstruction de la société selon les idées du socialisme. Les « ateliers nationaux » de Louis Blanc restent donc un idéal que les rêveurs n’ont point encore surpassé. Le livre est d’ailleurs écrit avec beaucoup de chaleur ; on y trouve à chaque ligne l’appareil déclamatoire du tribun. Par contre, l’œuvre est faible au point de vue économique : je n’en veux comme preuve que la prédiction de la ruine certaine et immédiate — déjà commencée même, disait Louis Blanc — où l’industrialisme entraîne l’Angleterre[2].

Tout non plus n’était pas nouveau dans ce programme. Louis Blanc faisait grand éloge de Morelly et de Mably, et il leur devait bien quelque chose ; il devait surtout beaucoup à Babeuf, bien que l’impopularité qui s’attachait encore aux babouvistes, ne lui eût pas permis de nommer celui-ci. C’était à Babeuf qu’il avait emprunté, entre autres idées, celle de l’honneur considéré comme un mobile suffisant de l’activité économique, une fois anéanti le stimulant de l’intérêt personnel. Bien plus, beaucoup de détails des ateliers nationaux de Louis Blanc sont tirés du « décret économique sur l’organisation de la commu-

  1. Dans l’édition que nous citons (postérieure à son fameux discours de 1848), Louis Blanc essaye, mais très obscurément, de faire disparaître la contradiction de ses deux opinions successives (Organisation du travail, 9e éd., 1850, 1. I, ch. v, pp. 72 et s.).
  2. Op. cit., 1. I, ch. iv.