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contre de la monnaie, mais contre des bons d’heures de travail, avec des magasins coopératifs où ces derniers étaient finalement échangés contre de la marchandise[1]. L’entreprise échoua ; et Owen ne reparaît plus guère dans l’histoire que pour faire ses offres de services à notre République de 1848, comme il les avait déjà faites — d’ailleurs avec un réel succès d’estime — au Congrès d’Aix-la-Chapelle de 1815.

Le communisme oweniste ou coopératif présente — toute différence faite des bases philosophiques — une grande ressemblance avec le communisme icarien de Cabet.

Dans la forme, la divergence la plus sensible, c’est qu’Owen ne veut que de petites communautés, tandis que Cabet veut organiser le communisme avec de grandes villes ; c’est aussi que le communisme de Cabet laissé subsister le mariage et la famille, tandis que le communisme coopératif enseigne que la famille doit être absorbée dans la communauté[2].

Étienne Cabet était né à Dijon en 1788. Avocat et membre très actif des sociétés secrètes sous la Restauration, procureur général à Bastia en 1830, révoqué comme démagogue en 1831, puis député de la Côte-d’Or, il finit, à travers plusieurs procès de presse, par être condamné à deux ans de prison en 1834. Il se réfugia alors à Londres, où ses idées, déjà passablement révolutionnaires, reçurent de l’Utopie de Thomas Morus une tout autre direction. Cabet profite de l’amnistie de 1839 pour rentrer à Paris. Il publie, en 1840, une Histoire populaire de la Révolution française de 1789 à 1830 dans un esprit tout à fait jacobin ; puis, aussitôt après, les Voyages et aventures de lord William Carisdall en Icarie (1840) — qui deviennent plus brièvement, en 1842, le Voyage en Icarie. — Ce livre eut un

  1. Le Labour-exchange fonctionna à Londres de 1832 à 1836. — Voyez son histoire dans Aucuy, les Systèmes socialistes d’échange, 1908, pp. 65 et s.
  2. Sur Cabet, voyez Isambert, Idées socialistes en France, IIe partie ch. viii.