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gion, seulement il lui fallait que celle-ci fût mobile avec le progrès, morale et non dogmatique, faite surtout de fraternité humaine et de souci des intérêts matériels, « dirigeant toutes les forces sociales vers l’amélioration morale et physique de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre ». À cet égard, il n’est pas bien démontré pour nous que notre néo-christianisme contemporain, quelque effort qu’il fasse pour s’en défendre, n’ait pas une lointaine parenté avec le « nouveau christianisme » de Saint-Simon.

Passablement incohérent dans ses idées et profondément immoral, à ce qu’il semble, dans certaines phases de sa vie, Saint-Simon avait groupé cependant autour de lui une véritable élite d’esprits distingués, dont beaucoup sortaient de l’École polytechnique. Citons Augustin Thierry, Armand Carrel, Auguste Comte (qui s’en sépara en 1824), Buchez, qui fut président de la Constituante en 1848, Enfantin, Bazard, Talabot, Gustave d’Eichtal, le juif Olinde Rodrigues, l’économiste Michel Chevalier, Hippolyte Carnot, père du futur président de la République, Pierre Leroux, Jean Reynaud, le juif Émile Pereire, etc., etc., tous hommes qui se firent ensuite un nom à des titres divers, mais dont plusieurs n’entrèrent dans, la secte qu’après la mort de Saint-Simon et sous la direction d’Enfantin.

Saint-Simon n’était pas lui-même un socialiste. Il s’était contenté d’introduire, avant Auguste Comte, l’idée d’une philosophie positive basée sur le principe d’une science universelle de coordination et sur le progrès indéfini de l’industrie, le tout couronné par un vaste cadre de hiérarchie sociale, à la fois industrielle et religieuse. Mais après sa mort les doctrines saint-simoniennes se propagèrent en se précisant et en se complétant dans le sens socialiste. Ses disciples eurent un organe dans le Producteur[1], dont les

  1. Du 1er octobre 1825 au 12 décembre 1826.