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programme d’études que Napoléon venait d’envoyer à l’Institut, expose et cherche à démontrer la loi de la perfectibilité indéfinie du genre humain, que Turgot et Condorcet avaient cru déjà trouver. Cette idée du progrès de l’espèce humaine va demeurer le premier article du credo saint-simonien, et elle survivra longtemps au prestige du saint-simonisme.

Tantôt copiste au mont de piété et tantôt nourri par un vieux serviteur de sa famille nommé Diard, Saint-Simon lutta presque toute sa vie contre la misère, n’ayant pas souvent de quoi se faire imprimer. De guerre lasse, il se tira une fois un coup de pistolet à la tête ; mais il en fut quitte pour se crever un œil. Il se releva cependant un peu, quand il eut trouvé des disciples. En 1817-1818, en collaboration avec Augustin Thierry, un des futurs rénovateurs des études historiques, il donne les quatre volumes de l’Industrie ou discussions politiques, morales et philosophiques. Dès lors les publications de vulgarisation et de propagande se succèdent rapidement. Toutes tendent au même but : l’abolition du régime militaire et féodal, et l’avènement du régime industriel, dont le progrès donne la mesure du progrès général de l’humanité. Là, le sort du travailleur est étudié à toutes les époques de transformation sociale : tour à tour esclave, serf, homme libre, le travailleur vient enfin de réaliser un dernier progrès par l’avènement de l’ère industrielle ; et la substitution du travail sociétaire au travail salarié sera le terme suprême de cette ascension.

Saint-Simon mourut en 1825, après avoir légué à Olinde-Rodrigues tous ses papiers, parmi lesquels se trouvait un manuscrit intitulé le nouveau christianisme. Saint-Simon y accusait toutes les Églises chrétiennes, quelles qu’elles fussent, d’avoir dénaturé les traditions du christianisme primitif et d’avoir renoncé à améliorer le sort des classes pauvres par l’instruction et l’industrie. Mais il n’avait ni évangile, ni credo : il voulait bien une reli-