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CHAPITRE III

LE SOCIALISME UTOPIQUE AU XIXe siècle

Après les violentes secousses de là fin du XVIIIe siècle, le socialisme renonce aux programmes révolutionnaires pour exercer l’attraction d’un mysticisme nouveau. « Chassée de l’ordre politique, dit Sudre, l’utopie se réfugie dans la religion et la science ; elle prend des allures pacifiques, des formes pastorales et innocentes[1]. » Puis, ce qui complète l’originalité de ce mouvement, c’est la foi absolue et désintéressée des novateurs ; c’est leur esprit persuasif de prosélytisme ; c’est surtout le rêve des réalisations volontaires, qui, toujours écroulées, sont toujours reprises avec les mêmes illusions. Voilà un spectacle que nous ne retrouverons jamais plus.

Deux hommes issus de deux mondes bien différents, Saint-Simon et Fourier, ouvrent en même temps cette route nouvelle, où ils ne manqueront ni de rivaux, ni de disciples pendant toute la première moitié du XIXe siècle.

Quoique la petite Église saint-simonienne intéresse l’histoire des erreurs de la philosophie et des crises de la morale plus qu’elle ne peut intéresser celle des doctrines économiques, nous lui devons cependant une large place, si nous voulons suivre les origines et les phases du socialisme français. Ce sont, en effet, les saint-simoniens qui ont relevé les premiers le drapeau tombé du socialisme ; on peut trouver dans leurs écrits un bon nombre des idées révolutionnaires d’où la crise de 1848 est sortie ; et ils ont commencé les premiers à en semer les germes dans les masses.

  1. Sudre, Histoire du communisme, 5e édition, p. 329.