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avec Dulcin et les Dulcinistes, jusqu’à ce que Dulcin eût été vaincu et pris en 1307 aux environs de Verceil. Pour la Flandre, l’Allemagne et la France, il y a de même à citer les Lollards, ainsi nommés de leur chef Walther Lollard, prêtre anglais résidant à Cologne ; puis un peu plus tard, vers la fin du XIVe siècle, les Turlupins, contre lesquels le roi de France Charles V eut à sévir. Quelques unes de ces premières sectes avaient obtenu l’appui d’hommes remarquables et considérés, tels que Michel de Césène, qui avait été nommé en 1316 supérieur général des Franciscains, et Guillaume Ockam. Ce dernier, d’ailleurs, est bien plus connu comme restaurateur du nominalisme dans la scolastique que comme défenseur de la pauvreté contre le pape Jean XXII, qui n’entendait point de la même manière qu’Ockam le conseil de la pauvreté évangélique[1]. En Allemagne, les restes de toutes ces sectes fournirent assez probablement quelque appoint aux Wicléfites et aux Hussites[2].

Ce qui est à remarquer dans cette vague fermentation d’erreurs religieuses et sociales qui préludèrent à la Réforme du XVIe siècle, ce n’est pas seulement la fermeté avec laquelle l’Église prit la défense de l’ordre économique non moins que de l’orthodoxie religieuse : c’est aussi, autant que nous en pouvons juger, le manque de tout programme nouveau d’organisation économique. Le caractère anarchique dominait donc au suprême degré. Les propriétés

  1. Guillaume Ockam, Defensorium paupertatis contra errores Joannis XXII.
  2. Il faut noter ici une décision très remarquable du concile de Constance, en 1417. Il paraît que quelques communautés de simples laïques s’étaient constituées dans le diocèse d’Otrecht, avec la mise en commun des biens de leurs membres et avec une organisation intérieure modelée sur celle des monastères. Un dominicain de Groningue, nommé Grabon, avait soutenu que le renoncement à la propriété individuelle, obligatoire pour les religieux, est incompatible avec la vie et les devoirs des simples fidèles ; mais cette opinion fut condamnée au concile par le pape Martin V. En tout cas, il faut bien remarquer que ces communautés laïques d’Utrecht prétendaient user simplement d’une faculté et n’imposaient rien à-personne (Cité avec textes à l’appui par Thonissen, op. cit., appendice A, t. I, p. 323).