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connus[1] », en reprenant, sous une forme différente et singulièrement matérialisée, la belle comparaison de Pascal, pour qui « toute la succession des hommes pendant la longue suite des siècles devrait être considérée comme un homme qui subsiste toujours et qui apprend continuellement ».

Spencer, de son côté, adoptait comme formule de révolution le passage de la matière d’une homogénéité indéfinie et incohérente à une hétérogénéité définie et cohérente, et il n’excluait pas les sociétés humaines de cette loi primordiale de différenciation, qui se vérifiait dans tous les êtres. « La société, disait-il, présente une croissance continue ; à mesure qu’elle croît, ses parties deviennent dissemblables et prennent des fonctions dissemblables… L’assistance mutuelle qu’elles se prêtent amène une dépendance mutuelle des parties ; enfin, les parties, unies par ce lien de dépendance mutuelle… composent un organisme formé sur le même principe général qu’un organisme individuel… Tout organisme d’un volume appréciable est une société. Dans l’un comme dans l’autre, la vie des unités continue quelque temps quand la vie de l’agrégat est subitement arrêtée ; au contraire, si l’agrégat n’est pas détruit par violence, sa vie dépasse de beaucoup en durée celle des unités. »

D’ordinaire, dans ces théories ou ces analogies biologiques, ce qui paraît former ainsi un organisme, ce n’est que la société dans son ensemble et ce n’est pas tel ou tel État : car, ainsi que le dit un des disciples fervents de Comte, si « la société est la résultante des individus comme l’individu est la résultante des cellules », cela n’est aucunement vrai de « l’Église et de l’État, simples systèmes de forces sans cellules et sans protoplasmes[2] ».

  1. Auguste Comte, Cours de philosophie positive, t. IV, passim. — Item, Système de politique positive, 1851, pp. 329, 335, etc.
  2. Tammeo, professeur à l’Université de Naples, la Statistica, 1896, p. 67.