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possible, devait aboutir facilement et par tous les chemins au socialisme d’État, à moins qu’elle ne franchît cette première étape sans s’y arrêter et qu’elle ne conduisît directement ses adeptes jusqu’au socialisme pur ou démocratique.

Comment cela ?

C’est un fait indéniable que les aspirations socialistes nous entourent de tous les côtés. Or, si le fait fonde le droit, pourquoi ces aspirations ne seraient-elles pas légitimes ? Pourquoi leur succès ne serait-il pas le caractère juste et nécessaire de la phase sociale où nous sommes ? Pourquoi enfin l’État — la plus grande force que nous connaissions et la seule que nous voyions près de nous sous une forme pour ainsi dire matérielle et tangible — pourquoi l’État, dis-je, n’interviendrait-il pas pour faire triompher ces aspirations si elles sont indifférentes, voire même salutaires, pour les modérer, les diriger et peut-être les faire dévier légèrement si, mal comprises selon lui, elles ont quelque chose de nuisible et de dangereux ? D’un autre côté, ce que le socialisme se propose, c’est la suppression du problème de la misère par une jouissance effective et égale des biens économiques. Qui pourrait aider les hommes à atteindre ce but, mieux que l’État ne pourra les y aider, puisque c’est lui et lui seul qui est investi de la force coercitive ?

Le problème ne doit pas non plus être insoluble — aux yeux de l’école historique tout au moins — puisque les choses sont ce que les hommes les font, et puisqu’on s’est affranchi de la vieille formule des lois naturelles intangibles et immuables. Il en résultera sans doute un amoindrissement de l’individu, qui va perdre ainsi le devoir et le souci de prévoir et d’épargner ; mais les nouvelles théories sociologiques auxquelles nous allons arriver dans un instant, et la formule moderne de « l’organisme social » tendent précisément, par un autre côté, à diminuer l’homme au regard de l’humanité et à le réduire à l’état de simple cellule d’un corps social, lequel va être pourvu d’une