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apprendre à l’homme comment, après s’être procuré les biens extérieurs, il doit se comporter dans l’usage qu’il en fait. À part cela, l’économie politique cesserait d’être une science pour devenir seulement un art — l’art d’organiser la société, comme on a dit parfois. — Puis, de ce que l’homme doit toujours conformer sa conduite à son devoir — ce qui est parfaitement vrai — on a conclu que les lois économiques sont subordonnées aux lois morales — ce qui est parfaitement faux.

De là vient le dédain habituellement professé pour celles des lois économiques qui régissent, entre autres choses, la monnaie, le change, la circulation fiduciaire et le commerce international, par le motif que l’indifférence théorique de la morale sur ces questions de pure « chrématistique » lui impose pratiquement l’indifférence à l’égard des procédés usités dansées divers ordres de matières[1].

L’erreur a ici des causés bien diverses. Par vice de logique, on a fait une confusion entre la moralité de nos actes et les conséquences économiques que ceux-ci doivent avoir sur les actes de nos semblables ; puis, par le même vice de logique, on a exploité les équivoques qui existent, soit sur le sens du mot « science morale », soit sur le sens du mot « loi ».

Le mot « science morale » peut désigner toute science qui d’une façon quelconque s’occupe de la pensée de l’homme. Ainsi la logique est une science morale, et l’éco-

  1. Ainsi le P. Liberatore a cru pouvoir écrire des Principes d’économie politique sans agiter la question du commerce international, et il a — je ne dis pas résolu — mais tranché toutes les questions de banque et de crédit en préconisant purement et simplement le monopole de l’État, sans plus de détails (Op. cit., tr. fr., p. 106). En matière de salaires, il a conclu à une tarification légale et internationale qui, selon lui, aurait d’une part l’avantage de faire disparaître dans chaque région celles des industries locales qui ne gagnent pas assez pour bien payer leurs ouvriers, d’autre part, aussi, l’avantage d’empêcher qu’on ne donne un demi-salaire à des individus à qui leur âge ou leurs infirmités ne permettent qu’un demi-travail (Op. cit., tr. fr., p. 288 ; — item, Civiltà cattolica, n° du 4 mai 1889). — Voyez nos Éléments d’économie politique, 2e éd., pp. 340 en note et 553 en note.