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s’avouent leur devoir, et la volonté plus ou moins ferme avec laquelle ils cherchent à l’accomplir ; ce sont enfin les jugements erronés ou judicieux qu’ils portent sur les actes de leurs semblables.

La possibilité de ces changements et leur effective réalisation suffisent pour que le monde ait une histoire, pour que l’humanité ait un progrès, et que la suite des temps présente, même sous le côté économique, une variété qui est une des beautés de l’œuvre divine. Mais cette œuvre, si variée qu’elle soit dans l’espace et variée aussi dans le temps, ne peut pas être moins régulièrement ordonnée dans son plan général, ni moins raisonnable et moins fixement sage dans tous les rapports de causalité qu’elle met en action. Par conséquent, dans le monde économique comme dans le monde physique et le monde moral, il doit exister des lois naturelles immuables, placées au dessus de ces hommes qui les connaissent et s’y conforment plus ou moins bien. Ni l’opinion qu’ils en ont, ni la contrainte qu’ils peuvent essayer de leur faire subir, ne changeront jamais rien à l’objectivité intrinsèque de ces lois.

Voilà pourquoi Le Play a pu tracer les grandes lignes d’un « retour au bien », parce qu’il avait foi dans la constance des lois morales du monde économique.

Voilà aussi pourquoi, en sens inverse, les principes de l’école historique, tels que nous les trouvions formulés par Ashley, rendraient éternellement impossible une interprétation économique de l’histoire », malgré le titre ambitieux que Rogers avait donné à son livre. Si, en effet, toutes les vérités économiques sont relatives, s’il n’y a pas « de grande conception, de grand corps de doctrines qui, ayant réellement et longtemps influencé la société, n’ait pas renfermé une certaine vérité et une certaine valeur eu égard à des circonstances temporaires[1] », je demande comment l’on pourrait affirmer, par exemple, la stérilité

  1. Ashley, op. cit., p. xi.