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un de leurs auxiliaires les plus précieux. « Les lois dont s’occupe l’économie politique, disait Émile de Laveleye, ne sont pas des lois de la nature : ce sont celles qu’édicté le législateur. Les unes échappent à la volonté de l’homme ; les autres en émanent[1]. » Il est connu surtout par son ouvrage sur la Propriété du sol et ses formes primitives, dans lequel il préconise le retour aux anciens régimes de propriété communautaire usités chez les peuples primitifs ou plus exactement dans la race germanique[2]. Au reste, sans aboutir aux mêmes conclusions, Knies avait argué déjà, contre l’école classique, des différences que le régime de la propriété avait présentées chez les Grecs, chez les Romains et généralement au cours des siècles[3].

En France, les traces d’historisme sont visibles chez M. Charles Gide, autrefois professeur d’économie politique à l’Université de Montpellier au cours de la publication des éditions successives de ses Principes d’économie politique, il a évolué rapidement de l’école libérale et conservatrice vers le socialisme, auquel il est apparu de plus en plus rallié. Malgré les critiques qu’il fait encore de l’école historique[4], il persiste à poser en principe que « les lois naturelles, bien loin d’exclure l’idée de changement, la supposent toujours[5] ». Il ne désespère pas même qu’un changement radical et profond doive s’opérer un

  1. Éléments d’économie politique.
  2. Voir la réfutation dans le Collectivisme de P. Leroy-Beaulieu.
  3. Knies, Die politische Œkonomie vom Standpunkte der geschichtlichen Methode, ch, iii, § 2, pp. 130 et s.
  4. Principes d’économie politique, 5e édit., pp. 34-35.
  5. « Si le monde était à refaire, dit-il, et s’il pouvait être refait dans des conditions de liberté absolue, rien ne prouve qu’il fût semblable à celui qui existe aujourd’hui. On n’est-pas autorisé à conclure que, parce que les lois naturelles sont permanentes et immuables, les faits et les institutions économiques actuelles doivent avoir aussi un caractère de permanence et d’immutabilité… Les lois naturelles, bien loin d’exclure le changement, le supposent toujours… Et non seulement les faits et les institutions économiques peuvent changer, mais encore notre volonté n’est pas impuissante à déterminer ces changements » (Op. cit., p. 23). — Nous concédons bien que notre volonté change les faits et les institutions ; mais cela change-t-il les principes d’après lesquels le monde est gouverné ?