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Au point de vue du droit, il fallait déclarer qu’il ne peut pas y avoir de droit en dehors de la morale naturelle, et il fallait condamner d’avance comme illégitime toute évolution du droit qui eût voulu franchir ces limites. Cela dit, nous ne contestons point — mais dans un sens tout différent de celui de Savigny — les besoins nouveaux et les formes juridiques nouvelles que le siècle présent nous a donnés — par exemple l’élaboration universelle et simultanée des sociétés anonymes et des contrats et sociétés d’assurances, soit sur la vie, soit contre l’incendie et les accidents. Voilà comment le droit peut évoluer et s’adapter aux changements que la Providence laisse s’accomplir dans l’état social.

Ensuite, au point de vue de l’économie politique, il fallait déclarer que ni l’adoption de règles nouvelles, ni la connaissance de phénomènes économiques nouveaux ne doivent ébranler en quoi que ce soit la croyance à des principes constants et absolus, tels que la fixité de notre nature morale et physique et de la nature physique ou biologique du monde animé et inanimé au milieu duquel nous vivons.

Par malheur, l’école historique juridique et l’école historique économique se sont l’une et l’autre affranchies de ces réserves.

Selon von Ihering par exemple, le droit, dans ses mouvements, est si peu limité par la morale que c’est lui qui la fonde. Ce serait une faute de méthode, d’après von Ihering, que d’attribuer la création d’un système juridique à la puissance de l’idée ou du sentiment du droit. L’idée ou le sentiment du droit ne sont pas des dons innés ; ce sont des produits historiques, à la formation desquels le droit positif lui-même a collaboré ; ils lui sont postérieurs et non antérieurs. Nous ne devons poser, comme antérieur à la constitution d’un ordre juridique, qu’un seul principe, l’égoïsme ou plutôt les égoïsmes. Combler les lacunes de l’égoïsme, telle est l’œuvre des forces