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les théories négatives du positivisme avec une sorte de religion mystique de l’humanité, et il exerça auparavant une action profondément néfaste sur tout le monde scientifique par la négation de l’absolu, qui est pour nous l’inconnaissable, et par son essai d’instituer la sociologie comme une science spéciale et indépendante.

En deux mots, nous ignorons l’absolu. Nous ne pouvons connaître les faits que dans leurs rapports avec d’autres faits ; nous ne pouvons donc pas nous élever jusqu’à la connaissance métaphysique des causes, des substances ou des fins. Mais on peut classifier ces faits et classifier aussi les sciences qui les étudient. Dans cette classification, si l’on procède du plus simple au plus composé, c’est par l’étude du nombre que l’on débute, je veux dire par les mathématiques. En étudiant ensuite le monde extérieur et sensible, on a la physique : physique des corps inorganiques, d’une part, et d’autre part physique des corps organisés, laquelle se subdivise en physiologie, si on examine ces corps dans leur constitution individuelle, et en sociologie, si on les examine collectivement. La sociologie apparaît ainsi comme une physique sociale, mais en un sens tout différent de celui que Quételet avait donne à ce mot.

À ce propos, Comte, s’inspirant ici de Saint-Simon, qui s’était peut-être inspiré de Turgot et de Condorcet, distingue trois phases ou états dans le développement des sociétés : 1° l’état théologique, où les hommes expliquent les phénomènes par des puissances supérieures, mais personnelles ; cet état se subdivise lui-même en trois périodes : fétichisme, polythéisme et monothéisme ; 2° l’état métaphysique, où ils expliquent les phénomènes par des entités ou abstractions auxquelles ils donnent le caractère de lois absolues ; 3° enfin l’état scientifique ou positif, dans lequel ils les expliquent par des relations qu’ils s’abstiennent de définir et qu’ils ne revêtent pas du caractère métaphysique de causalité, « Il est impossible, disait Stuart Mill, de donner même une seule idée du mérite extraordinaire de