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biens de premier ordre, implique à côté d’elle une autre série de biens ou richesses que nous ne consommons que d’une manière indirecte et qui ne nous en sont pas moins indispensables. Ce sont les biens complémentaires : le pétrin et le four par exemple, pour passer de la farine au pain ; le moulin, pour passer du blé à la farine ; la batteuse, la faucille, la herse, la charrue, la terre elle-même, pour obtenir le blé.

Toute idée de bien économique exige un rapport ou une série de rapports entre les hommes et les biens : mais il faut que dans cette série de rapports il n’y ait pas de solution de continuité. Ainsi l’ignorance des procédés ou la privation des instruments nécessaires pour passer du blé à la farine empêcherait le blé d’avoir la valeur qu’il tire de son futur acheminement vers l’état de pain. Ainsi la découverte des usages nouveaux d’une matière première (citons ici nous-même les utilités à tirer jadis des pins des Landes) ou bien la découverte des moyens nouveaux propres à l’utilisation d’une matière première dédaignée (citons ici la découverte des procédés de déphosphoration des minerais de l’Est de France) ont amené très justement des bouleversements dans les notions de valeur et dans les situations économiques respectives des diverses régions de notre pays. Menger citait à ce propos la dépréciation des filatures anglaises par la disette des cotons à transformer.

Que devient alors le concept de capital ? Il perd, pour ne rien dire de plus, une très notable partie de son importance. Les biens économiques de premier ordre constituent le fonds de consommation ; tous ceux d’ordre inférieur ou plus éloigné et avec eux les biens que nous avons appelés complémentaires, représentent, soit le capital circulant (s’il s’agit de matières premières destinées à être transformées, comme la farine et le blé, ou bien le drap, la laine filée et la laine brute), soit le capital fixe (s’il s’agit d’instruments tels que le four et le moulin, ou