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et de Spencer — quoique nous tenions pour exacte la loi de Doubleday — sont notoirement insuffisantes pour l’ensemble d’une nation. Les effets d’une moindre natalité des classes riches et d’une extinction rapide des familles nobles et bourgeoises ont été certainement exagérés dans leur portée générale ; car leur influence est nulle ou presque nulle sur un pays pris en masse, à raison de la très faible proportion que ces familles y représentent sur l’ensemble de tous ses habitants. La mollesse de la vie a bien une action naturellement déprimante : mais, outre que cette mollesse n’est point un phénomène universel, il est certain que pour la France le déclin de la natalité se constate dans des régions où les habitudes moyennes de l’existence n’ont pas subi de changement appréciable. Quant à la diffusion de l’instruction primaire — beaucoup moindre qu’on affecte de le croire, car l’on trouve au moins autant d’illettrés qu’il y a vingt ans, et même un peu plus parmi les jeunes gens qui entrent à la caserne — elle ne nous a aucunement transformés en hommes de génie, ni même en intellectuels, déshabitués des efforts musculaires et de la vie du travail[1]. Il faut donc chercher ailleurs la raison de la coïncidence entre la récente stérilité de la France, d’une part, et d’autre part son état économique et social contemporain. Ce n’est pas tout, et il faut regarder aussi hors de nos frontières.

Nous arrivons ainsi au phénomène de la diminution de la natalité chez tous les peuples civilisés, avec ce carac-

  1. Certains départements pauvres comme le Gers n’ont que de très faibles coefficients de natalité (13 oo/oo) et beaucoup moins de naissances que le quartier de l’Élysée à Paris. — Quetelet (Physique sociale, t. I, p. 49) citait un mémoire de Giron de Buzareignes établissant que la proportion des naissances masculines serait moindre dans les classes non adonnées aux travaux musculaires et particulièrement dans les milieux urbains. Même si l’on tenait ce fait pour exact, il pourrait s’expliquer par une précocité plus grande des mariages, au moins pour les jeunes filles, dans les classes riches et dans les villes : car on admet assez volontiers que le jeune âge de la femme et surtout l’infériorité relative de cet âge ont une certaine influence sur le sexe des enfants et multiplient les naissances féminines. Mais nous reviendrons plus loin sur cette question de la proportion des sexes.