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II

LES FORMES ACTUELLES DU PROBLÈME DE LA POPULATION

Le problème de la population a particulièrement intéressé les contemporains, frappés qu’ils étaient d’un déclin général de la natalité et de ce que l’on commençait à appeler la « dépopulation de la France », et inclinés par cela, même à douter de la légitimité des inquiétudes que Malthus avait eues d’une croissance indéfinie de l’humanité. Mais ceci nous amène à revenir quelque peu eh arrière, pour discuter deux explications d’apparence scientifique qui ont été proposées.

La thèse physiologique de Malthus prise à part, celle d’une croissance illimitée et toujours aussi rapide de la population, a été d’abord l’objet de fort vives attaques. Le premier adversaire que Malthus ait rencontré sur ce terrain, est un auteur dramatique anglais, Doubleday, (1790-1870), qui écrivit, en 1841, The true law of population shown to be connected with the food of the people[1]. La théorie de Doubleday, c’est que la fécondité augmente naturellement avec une alimentation plus maigre (ou avec la déplétion), qu’elle diminue au contraire avec une alimentation plus substantielle (ou avec la réplétion) ; d’où cette conséquence, qu’un peuple riche et civilisé aurait une tendance naturelle à une stérilité relative.

Doubleday, qui, faute de traducteur, a été peu connu en France et que les Anglais ont laissé dans l’oubli parce qu’il s’attaquait — très courtoisement d’ailleurs et presque sans le dire — à la gloire de Malthus, vaut mieux, à tout prendre, que le mépris dans lequel il est tombé.

Si le principe de Malthus est vrai, se dit-il, et si la

  1. « La vraie loi de population et démonstration de son rapport avec l’alimentation » — 2e éd., Londres, 1843. Nous citons sur cette deuxième édition.