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nomie sociale ne tranchent trop tôt, avec des considérations de sentiment et comme par intuition, certains des problèmes les plus délicats de la science. Il est regrettable qu’ils les ignorent, et l’on ne sait pas même toujours bien si ce n’est pas par orgueil plus encore que par paresse qu’ils se sont décidés à les ignorer.

Pour beaucoup, les considérations politiques et les ambitions électorales exercent une fâcheuse influence et modifient profondément les opinions. On voudrait bien être libéral en économie, non moins qu’économe des finances publiques : mais on n’ose pas combattre augmentation des dépenses publiques et des emprunts de l’État, si c’est en faveur des classes ouvrières que les dépenses publiques augmentent et que le Trésor aspire à être le réservoir unique de l’épargne populaire libre ou contrainte : or, il en est bien ainsi en ce qui touche les projets de loi sur les retraites ouvrières. On n’ose pas défendre davantage les vrais principes en matière d’impôts, lorsque c’est contre les passions populaires et les convoitises socialistes qu’il faudrait lutter pour combattre les formules progressives de taxation et les procédés inquisitoriaux et vexatoires qui menacent de déprécier toujours davantage la propriété foncière et de faire émigrer beaucoup de capitaux à l’étranger. Sur toutes ces questions, que les luttes de partis obscurcissent si aisément, il y a trop peu d’hommes qui gardent, comme M. Leroy-Beaulieu dans l’Économiste français, la franchise de combattre les utopies et les illusions[1].

La liberté du travail — et j’entends la liberté individuelle — est particulièrement en danger. On préconise les ententes collectives discutées et conclues par les syndicats professionnels ; on ne craint pas de demander que les conditions en soient obligatoires pour les minorités dissidentes

  1. M. Bourguin, par exemple, dans les Systèmes socialistes et l’évolution économique (1903), croit trop résoudre le problème de la liberté par une évolution qui commencerait à nous placer à mi-chemin entre la liberté et le socialisme.