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M. Charles Périn (1815-1902), professeur d’économie politique à l’Université catholique de Louvain, avait cherché à faire entrer les économistes chrétiens dans une voie toute spiritualiste, bien plus éloignée des sentiers battus[1]. La thèse que la Richesse dans les sociétés chrétiennes (1861) avait dû prouver, c’est que « pour l’ordre matériel comme pour l’ordre moral, rien de grand et de vraiment utile ne peut se faire et ne s’est jamais fait que par le renoncement… Le principe du renoncement est la condition générale de tous les progrès, parce qu’il est la condition première de l’union de l’homme à Dieu…, le principe générateur et conservateur de toute civilisation[2]. » C’est dire que l’ouvrage est une œuvre de haute philosophie, et même de philosophie mystique par plus d’une de ses pages.

Toutefois la démonstration est-elle complète ? Ou bien l’énoncé de la question n’aurait-il point, je ne voudrais pas dire une erreur, mais au moins un sous-entendu sur lequel il faudrait d’abord s’expliquer ?

Il nous semble, quant à nous, qu’une économie politique fondée sur le principe du renoncement ne tient pas un compte suffisant du principe économique et de son application spéciale à la richesse. La production des biens terrestres, en effet, ne se conçoit pas sans une activité intelligente et volontaire qui s’adonne à leur recherche. En soi, sans doute, cette activité n’est qu’une vertu naturelle, heureusement servie par les dons de l’esprit : mais, quelle qu’elle soit, elle ne saurait être aucunement

    recherche scientifique, dans les ouvrages de M. le comte d’Haussonville, Misère et remèdes, 1886 ; Socialisme et charité, 1895 ; Salaires et misère de femmes, 1900 ; Assistance publique et bienfaisance privée, 1901.

  1. En outre de la Richesse dans les sociétés chrétiennes, il faut citer du même auteur les Lois de la société chrétienne, 1875 ; les Doctrines économiques depuis un siècle, 1880. — Nous n’avons pu nous inspirer de ce dernier ouvrage qui, ne donnant pas de références aux auteurs, nous semblait aussi rédigé surtout d’après des opinions préconçues.
  2. Richesse dans les sociétés chrétiennes, avant-propos ; — item, p. 175 et sommaire du ch. xii, 1. I.