Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/460

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE IX

LA STATISTIQUE ET L’ÉCOLE MATHÉMATIQUE

La statistique — étude numérique des faits sociaux — avait manqué longtemps à l’économie politique, pour lui fournir les connaissances sûres et exactement mesurées dont cette dernière avait besoin.

Les premiers principes des méthodes statistiques ont été formulés par des Allemands, Conring et Seckendorf au XVIIe siècle, puis Struve, Achenwall et Süssmilch au XVIIIe siècle.

En France, nous pouvons nous faire honneur de Lavoisier (1745-1794), que de Calonne et du Pont de Nemours avaient consulté à maintes reprisés et qui donna, en 1791, un Mémoire sur la richesse territoriale de la France, extrait d’un ouvrage qui n’est pas achevé. Il s’agissait d’évaluer la fortune territoriale du pays : elle était absolument ignorée, et c’était elle cependant qui devait servir de base à l’impôt. Mais Lavoisier ne termina pas ce travail : il n’acheva pas même, devant la guillotine qui le réclamait, les découvertes chimiques qui ont illustré son nom.

Il ne nous appartient pas ici de parler de la statistique, pas même de discuter s’il faut voir en elle une science ou bien un art[1]. Un seul ordre de questions peut nous intéresser pour le moment : ce sont celles que soulève l’application du calcul des probabilités aux faits libres et moraux (tels que sont les faits économiques), et non plus seulement aux faits involontaires comme la naissance ou la mort.

Jacques Bernouilli, le fameux mathématicien de Bâle et l’émule de Leibnitz, avait déjà entrevu le problème dans

  1. Sur la statistique, étudier : Maurice Block, Traité, théorique et pratique de la statistique, 1878 ; — Tammeo, la Statistica ; t. I, Turin, 1896 ; — Etc.