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constante de l’humanité, et que, accompli par les découvertes scientifiques et par leurs applications industrielles, il réalise, l’amélioration sociale au profit de la masse du genre humain[1] ; on y retrouve enfin la réfutation des lois de la rente et du principe de population, avec celle de la loi du rendement non proportionnel, — diminishing returns — de Stuart Mill.

Dans la disposition des matières, cet ouvrage a la prétention d’être une vaste synthèse sociale où tout est ramené aux lois du monde inanimé. Mais Carey, à cet égard, se défend-il assez de l’esprit de dogmatisme qui gagne si facilement les auteurs des trop vastes conceptions ? N’y cède-t-il pas, par exemple, lorsque, en terminant, il essaye d’énumérer et de formuler « les lois qui régissent la matière sous toutes ses formes et qui sont communes à la science physique et à la science sociale[2] » ?

En tout cas, si adversaire qu’il soit de Malthus et de Ricardo, Carey a garde de confondre Adam Smith avec eux. Il sait qu’Adam Smith n’a pas l’esprit étroit et pour ainsi dire unilatéral de ses successeurs ; il se souvient que Smith se sépare d’eux au sujet du libre-échange et de la confiance exclusive à donner aux commerçants, aussi bien qu’au sujet du pessimisme fatal des lois du développement économique ; et il ne craint pas même de dire que « Smith ne connaissait en aucune façon la science sinistredismal science — qui vient d’être décrite[3] ».

Carey a apporté dans toute son œuvre une remarquable intelligence des lois naturelles et particulièrement de celles qui régissent les transformations chimiques de la ma-

  1. « À chaque pas que l’homme fait dans cette direction, il y a diminution dans la valeur de tous les instruments accumulés antérieurement, par suite d’une diminution constante dans le prix de reproduction à mesure que la nature est de plus en plus forcée de travailler au profit de l’homme « (Op. cit., ch. vi, tr. fr., t. I, p. 167). — C’est la doctrine de l’utilité gratuite et de l’utilité onéreuse de Bastiat.
  2. Op. cit., ch. lv, tr. fr., t. III, p. 472.
  3. Op. cit., ch. xix, § 8, t. 1, p. 540. — Voyez aussi ch, xvii, t. I, p. 375.