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dentielles précipitent la société vers le mal», et ce langage fait dire aux socialistes « qu’il faut abolir ces lois et en choisir d’autres[1] ».

On peut ramener aux thèses suivantes les principales propositions que Bastiat voulait développer : 1° « il n’est pas vrai que les grandes lois providentielles précipitent la société vers le mal» ; 2° «  les intérêts sont harmoniques, au lieu d’être antagoniques » ; 3° le bien-être général résultera — par l’inaction de l’État — du libre jeu des intérêts privés laissés à leur harmonie naturelle.

I. — Les lois naturelles ne précipitent pas la société vers le mal.

Ici Bastiat ne songe pas à démontrer l’innocuité des deux grandes lois de la rente foncière et du principe de population : il les attaque comme fausses et inexactes, et c’est par leur inanité intrinsèque qu’il entreprend de les réfuter.

Pour lui l’usage de la terre est gratuit ; la propriété est fondée sur le travail jusque dans les plus lointaines extensions des avantages et des profits qu’elle confère ; la rente prétendue n’est que le loyer des capitaux incorporés, et nullement le don spontané de la terre ; enfin les prolétaires gagnent plus à cultiver moyennant fermage une terre améliorée qu’à cultiver gratuitement une terre vierge[2].

Or, une des propositions essentielles du système de Ricardo, c’est que la valeur d’une richesse a pour cause et pour, mesure le travail que cette richesse a coûté à celui qui la procure à un autre. Bastiat s’attaque à cette définition — incomplète d’ailleurs ou inexacte, puisque, de l’aveu même de Ricardo, elle ne s’appliquait pas à toutes les richesses[3]. — Bastiat tâche donc de substituer une autre définition. La valeur pour lui, c’est le prix du service rendu, et bien qu’il y ait une corrélation entre les

  1. Ibid., pp. 9-11.
  2. Il pourrait être à propos de rapprocher la thèse de Bastiat des pages que nous avons citées plus haut de Locke (supra, p. 253 en note).
  3. Voyez supra, p. 308.