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l’état statique » et des sociétés « à l’état dynamique[1] ». Dans les premières, comme l’Angleterre, la loi de Ricardo sur les revenus décroissants des terres et sur la plus-value illimitée des biens-fonds s’applique sans aucune difficulté : dans les secondes, au contraire, c’est-à-dire dans les sociétés à l’état dynamique comme les États-Unis, on en est encore à la période des revenus ascendants. Ainsi Patten est un protectionniste qui s’appuie sur Ricardo, et c’est là une des grandes originalités de son œuvre : il ne s’y appuie toutefois qu’après avoir d’abord admis jusqu’à un certain point de développement l’ordre de mise en culture, que Carey avait proposé[2]. Et la conclusion de Patten, identique à celle de List, la voici : « C’est uniquement dans une société restée, à l’état statique que la théorie du libre-échange peut trouver son application[3] ». L’étude des effets du libre-échange sur les prix des diverses marchandises, soit avec monopole naturel, soit avec concurrence illimitée, est particulièrement intéressante et approfondie dans Patten.

L’étude de List, ainsi que celle de ses prédécesseurs ou de ses continuateurs, peut n’être pas inutile en un moment comme le nôtre, alors que des procédés protectionnistes ont été remis en application depuis déjà vingt-cinq et trente ans. Le conflit s’est accentué entre la théorie et la pratique, surtout en France avec notre loi douanière du 11 janvier 1892, et la théorie elle-même s’est quelque peu divisée. Il est hors de doute que nous ne voyons plus le libre-échange sous la forme simpliste où il apparaissait à Cobden et à Bastiat.

  1. Nous répéterons la remarque déjà faite à propos de Stuart Mill (supra, p.377) : il faut dire : « cinématique » et non « dynamique ». Toute société, en effet, est à l’état dynamique, c’est-à-dire à l’état de force ou de puissance : mais ces forces sont ou bien à l’état de repos (statique) ou bien à l’état de mouvement (cinématique).
  2. Op. cit., tr. fr., ch. iv, pp. 47 et s. — Voyez le chapitre suivant.
  3. Loc. cit., p. 49.